Antony Erb- Roman

EXTRAIT révélationS

extrait Révélations

Al avait cessé de croire qu’il était juif, mais continuait de lutter dans un combat opposant David à Goliath. Les jours et les épreuves s’enchainaient. Il grimpait sur le parapet de son retranchement et partait au front à la conquête de son identité.
La haine au corps, son entéléchie, Troh pilonnait sans relâche. Un spectacle de désolation s’étendait à perte de vue : le ciel jaune absurde, des troncs d’arbres déchiquetés, des trainées de gaz, un champ de ruines. Dès qu’Al levait la tête, une balle sifflait.
Chacun campait sur ses positions et les lignes ne bougeaient pas d’un pouce. Aucune discussion ne pouvait plus parvenir à une entente. D’ailleurs, y en avait-il jamais eu ? Al ne se souvenait plus du dernier échange avec Troh. C’était si lointain. L’issue du conflit passerait par la capitulation de l’un ou de l’autre. De toute façon, Troh n’envisageait que la destruction totale de l’adversaire.
Les efforts gigantesques déployés de part et d’autre faisaient sentir leurs effets, l’un sur sa situation professionnelle, l’autre sur ses résultats scolaires. Puis la propagande se chargeait d’attribuer les raisons des difficultés et des échecs au camp adverse. Al faisait plutôt son autocritique.
Il finirait peut-être par être fauché et l’acceptait. Tuer Troh devenait une option, donner sa peau pour sauver son identité un impératif.
Bientôt douze ans de sévices et aucun signe d’apaisement. De quel côté viendrait la victoire ? L’acharnement de Troh et l’inégalité des forces engagées indiquaient qu’elle avait fait son choix. Al présentait des troubles. La communication de propagande, hurlant les insultes et les humiliations, embrigadait les proches. Toujours le même procédé, confisquer l’identité, tatouer un numéro sur la peau ou attribuer une image de monstre. Et l’apparence sociale de faire écran. Foutrange se parait de toutes les vertus, Priscille rayonnait sous les compliments.